Mercredi
5 Mars 2025
On fonde beaucoup d’espoir sur l’hydrogène (H2) en tant que nouveau carburant, mais comment l’obtenir d’une manière verte c’est-à-dire en évitant une émission du gaz à effet de serre le CO2 ? En effet l’hydrogène qui sert à la fabrication des engrais azotés s’obtient maintenant par vapocraquage du méthane c’est-à-dire par chauffage de ce gaz en présence de vapeur d’eau selon la formule chimique :
CH4+2H2O -> CO2+ 4H2
Cette réaction bien que détruisant un gaz en effet de serre le méthane en libère un autre le dioxyde de carbone CO2. Elle donne ce que l’on appelle de l’hydrogène gris, très bon marché, mais dont la production émet d’énormes quantités de gaz à effet de serre. Pour obtenir de l’hydrogène vert il faut revenir à la très ancienne technique d’électrolyse de l’eau par un courant électrique issu d’énergie renouvelable ou nucléaire.
L’électrolyse consiste à couvrir d’eau les électrodes d’une cuve électrolytique réunies à une source d’électricité. Lorsque les électrodes sont alimentées, il se dégage à la cathode de l’hydrogène H2 et à l’anode de l’oxygène O2, gaz issus de la rupture de la molécule d’eau selon la formule simplifiée :
2 H2O -> 2H2 +O2
(Notons au passage que cette réaction est réversible et que si l’on fait passer un courant d’hydrogène à la cathode et un courant d’oxygène à l’anode, il se créera un courant électrique dans le circuit qui réunit les deux électrodes et de l’eau par l’association des deux gaz : c’est une pile à combustible).
Pour obtenir de l’hydrogène vert il ne faut pas que le courant électrique d’alimentation soit issu d’une énergie fossile. Il se pose enfin le problème de la rareté et de la cherté du métal des électrodes : le platine, qui peut devenir un obstacle à l’expansion de l’électrolyse.
Selon la revue Science* de nouveaux types d’électrolyseurs sont en cours de mise au point pour palier la rareté du platine constituant des électrodes.
Le plus avancé est l’AWE (Alkaline Water Electrolyser ou électrolyseur d’eau alcaline). Il fonctionne un peu comme une batterie ; deux électrodes en nickel ou acier inoxydable séparées par une membrane poreuse sont immergées dans de l’eau contenant un électrolyte (soude par exemple) qui favorise le mouvement des ions. La cathode chargée négativement par le courant d’alimentation, partage la molécule d’eau en protons H+ qui se recombinent pour donner de l’hydrogène et en ions hydroxyde OH- qui traversent la membrane et vont vers l’anode chargée positivement où ils se recombinent pour donner de l’oxygène et un peu d’eau. La membrane ralentit et évite le mélange explosif oxygène-hydrogène. Cette technique est au point, elle utilise des électrodes peu coûteuses, mais elle fonctionne mal en courant alternatif.
Dans l’électrolyseur PME (Proton Exchange Membrane ou membrane échangeuse de protons), l’action est inversée ; elle commence à l’anode qui tire les électrons des molécules d’eau et partage celles-ci en protons H+ et molécules d’oxygène O2. Les protons traversent la membrane pour rejoindre la cathode qui leur fournit les électrons qu’ils avaient perdus reconstituant ainsi la molécule d’hydrogène H2. Dans ce dispositif la membrane est un polymère solide formé de molécules qui transfèrent les protons de l’une à l’autre. Le système PME est plus efficace que l’AWE, il fonctionne mieux avec des courants alternatifs et puissants et donc la taille des électrolyseurs est plus petite. Cependant il utilise pour ses électrodes un catalyseur rare et coûteux l’Iridium car les protons forment des points hautement acides qui dégradent les catalyseurs conventionnels, enfin la membrane est constituée de substances polyfluoroalkylées ou encore PFAS (considérées comme des polluants éternels) et interdites dans certains pays.
Le dernier dispositif, le plus récent, AEM (Anion Exchange Membrane ou membrane échangeuse d’anions), combine les avantages des deux systèmes précédents ; les ions hydroxydes OH- qui se forment à la cathode traversent une membrane solide et se recombinent à l’anode pour former l’oxygène, les protons reçoivent des électrons à la cathode pour former de l’hydrogène. Ce modèle ne demande ni électrode constituée d’un catalyseur rare (Iridium, platine) ni d’une membrane solide en PFAS. Ses défauts sont une membrane qui se dégrade rapidement et la non acceptation de courants alternatifs.
En définitive la technique de production d’hydrogène par électrolyse a beaucoup progressé mais elle ne peut encore se substituer au vapocraquage du méthane. Il faudrait pour cela que le prix du kilowatt électrique soit 10 fois moins cher et augmenter considérablement la production d’électricité renouvelable. On est loin encore de la substitution des carburants fossiles par un carburant vert : l’hydrogène.
* R.F. Service, Science, 24 janvier 2025, N°6732, pp.354-357